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    L’essor du tourisme durable ou l’appel de la forêt

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    L’Union Européenne s’est engagée officiellement, le 12 décembre 2020, à devenir neutre sur le plan climatique d’ici 2050, ce qui signifie réduire de 80% nos émissions de CO2. Le tourisme, qui représente 8 % des émissions a toute sa place à prendre dans la réussite de ce défi.

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    Le tourisme durable est une notion qui n’est pas nouvelle. Elle existe depuis plus de 20 ans…On l’a appelé et on l’appelle de différentes manières : tourisme durable, écotourisme, … La crise sanitaire n’a fait qu’accélérer la prise de conscience de l’urgence climatique. Pour s’adapter, les destinations et les professionnels privés doivent repenser leurs modèles économiques et leurs stratégies.

    Le moteur de cette accélération est bien le fait de la crise mais est en grande partie portée par la demande touristique. Selon une étude d’Harris Interactive d’avril 2021, la moitié des personnes interrogées sont intéressées par un voyage écoresponsable, 72% déclarent prendre davantage en compte l’impact environnemental de leurs voyages. Cette tendance est une tendance de fond qui touche tous les secteurs de l’économie et l’ensemble de la planète.

    Constats et enjeux

    Chute drastique des flux touristiques : d’un sur-tourisme à un sous-tourisme

    La crise sanitaire a permis de faire basculer nos économies, d’un surtourisme, d’une surconsommation à une sous-consommation, de façon très brutale. Il nous est donné aujourd’hui, le temps de repenser nos consommations touristiques et nos ambitions pour les territoires et les habitants. La question de la raréfaction est posée. Cette rareté contribuerait-elle à augmenter le bonheur et la satisfaction ?

    Le tourisme, générateur de pollution

    Le tourisme mondial serait responsable de 8% des émissions de gaz à effet de serre selon une étude de Manfred Lenzen dont la moitié serait attribuable au seul transport et 2.8%, au seul transport aérien (International Energy Agency). Or, seulement 10% des habitants de la planète prennent l’avion et 20% des Français.

    Réduction des flux aériens

    La crise sanitaire a réduit drastiquement les flux aériens. La tendance du « Flygskam », la honte de prendre l’avion se répand de plus en plus, surtout dans la génération millennials et va s’accélérer. Les compagnies commencent à mettre en œuvre des solutions moins polluantes et à compenser leurs émissions "carbone". C’est notamment le cas d’Air France depuis le 1er janvier 2020 qui compense à 100% des émissions sous forme de participation à des programmes de reforestation mais ces pratiques sont soumis à controverses.

    Prise de conscience de l’impact des consommations

    La prise de conscience écologique avait touché une partie des populations mais la crise a permis d’amplifier le volume de personnes touchées. Une partie plus large a pris conscience de l’urgence et souhaite appliquer de nouvelles règles dans leurs consommations touristiques. Les consommateurs sont devenus consom’acteurs touristiques, conscients que chaque acte de consommation a des effets sur la planète. De plus en plus d’entreprises y compris touristiques se lancent vers la transition énergétique.

    Relocalisation des consommations et tourisme de proximité

    La crise sanitaire a vu la relocalisation des séjours avec le développement du tourisme de proximité pour des raisons tout d’abord sanitaires, économiques mais également éthiques. La workation s’est aussi développée. Cette relocalisation s’est réalisée autant sur les séjours que sur l’ensemble des consommations touristiques. La crise sanitaire a propulsé le tourisme de proximité en premier lieu pour des raisons sanitaires. Le monde réel peut devenir plus exotique que le monde touristique balisé. C’est d’ailleurs le pari d’une start up « La petite vadrouille » qui mise sur des circuits hors des sentiers battus.

    Recherche de mobilités moins polluantes

    La recherche de mobilités moins polluantes se développe à l’initiative des pouvoirs publics comme des utilisateurs. Le vélo a connu un fort essor accéléré également par des préoccupations sanitaires. Les trottinettes et voitures électriques se développent également rapidement avec des incitations commerciales et fiscales.

    Chute de la pollution de certains sites

    La crise sanitaire a provoqué des effets positifs avec notamment la dépollution de certains sites touristiques qui n’étaient plus fréquentés. La nature a repris ses droits. Par exemple, la faune est, dans de nombreux endroits, réapparue.

    Déclin du tourisme de masse et du tropisme des destinations soleil

    Une grande partie des touristes n'accepte plus le tourisme de masse et veut fuir les lieux les plus visités. Cet adage ne vaut pas pour toute la population mais a été accéléré par la crise sanitaire avec un besoin de recentrage vers l’essentiel. La prise de conscience du réchauffement climatique a permis de réduire le tropisme des destinations soleil. Nous passons d’un tourisme de masse à un tourisme de jauge et à un tourisme de proximité.

    Réduction du tourisme d’affaires

    La crise sanitaire a mis à mal toute la filière du tourisme d’affaires. Les nouvelles technologies et les solutions mises en place durant cette crise auront des impacts à courts et moyens termes sur ce secteur avec une probable réduction des échanges d’affaires.

    Développement de l’utilisation des technologies low tech

    La conscientisation de l’impact écologique du digital est à présent en marche. De plus en plus souvent, sans supprimer le digital, des solutions low tech, moins consommatrices d’énergies et de rejet sont mises en place.

    Le durable devient la norme

    L’urgence climatique est visible, tous les jours et sur tous les territoires. Toutes les entreprises, dans tous les secteurs l’ont bien compris et s’impliquent et communiquent sur ces aspects qui sont devenus pour toute la société mais de façon plus prégnante encore pour les plus jeunes et notamment les millennials, primordiales.

    Attirance vers les destinations nature outdoor

    L’attirance pour des destinations nature, outdoor et slow tourisme s’est accélérée l’été dernier et continue cette année. C’est une tendance forte à la suite des différents confinements et la prise de conscience suscitée par la crise sanitaire.

    La poussée de l’économie circulaire et collaborative

    Depuis plusieurs années déjà, et ce même avant la crise sanitaire, l’appel à l’économie circulaire et collaborative a eu énormément d'impact sur les pratiques de consommations. Le tourisme n’échappe à cette tendance. Le succès d’Airbnb et de Blablacar en sont le reflet. La tendance va même plus loin encore avec le développement du volontourisme.

    L’accélération du slow et de la décroissance

    La tendance est à la décroissance et au slow tourisme. Nous passons d’un tourisme de statut social à un tourisme plus lent, un tourisme d’expérience, générateur de sens et de rencontres.

    Une chaîne de valeur impactée

    La chaîne de valeur du tourisme est modifiée. Les communautés et les habitants sont désormais associés à la stratégie touristique.

    Développement d’un tourisme virtuel

    De nombreuses solutions de visites virtuelles notamment, ont été mises en place dans les plus grands musées comme dans les lieux de visites plus confidentiels. Ces solutions smart tourisme permettent d’optimiser et d’aller vers un tourisme plus durable.

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    Quels impacts sur la demande touristique ?

    Volonté de calculer l’empreinte carbone de ses vacances

    De plus en plus de touristes souhaitent évaluer l’empreinte carbone de leurs vacances. Plusieurs applications permettent de le faire comme Good Planet, Green Tripper par exemple.

    Choix de destinations engagées durablement

    Le choix de la destination se fait pour une partie croissante de la population en fonction des engagements des territoires. Plusieurs comparateurs sont apparus

    Redéfinition des déplacements pour limiter son empreinte carbone

    Les mobilités sont repensées : développement des voitures hybrides et électriques, mises à disposition de trottinettes et vélos électriques…

    Voyager intelligent mais en mode low tech

    La digitalisation du tourisme s’est accélérée avec la crise sanitaire. Mais, de nombreux touristes veulent limiter leur empreinte carbone généré par la technologie et veulent des technologies low tech, respectueuses de l’environnement.

    Volonté de se rapprocher de la nature

    Les confinements successifs ont fait prendre conscience aux urbains de la nécessité et de l’envie de se reconnecter à la nature. Nombreux déménagements dans les villes plus moyennes sont observés depuis plusieurs mois.

    Relocalisation des consommations touristiques : staycation, tourisme de proximité

    La relocalisation des consommations touristiques est observée depuis l’été 2020 par peur de la crise sanitaire mais pas uniquement. Une volonté de redécouvrir son territoire et d’aller vers des territoires moins touristiques est en plein essor. Les nombreux déménagements notamment en France, démontrent la volonté de la population d’aller habiter là où ils allaient avant en vacances.

    Micro-vacances ou micro-aventure

    Les micro-vacances sont des solutions de vacances de dernières minutes, souvent près de chez soi et loin des grandes destinations touristiques. Elles sont synonymes d’un voyage au cœur de son territoire.

    Un touriste qui recherche de plus en plus du sens

    Le touriste recherche des voyages qui lui apportent du sens et qui participent à sa transformation personnelle, spirituelle, émotionnelle, son bien-être.

    Développement du tourisme d’itinérance

    Le tourisme d’itinérance est en plein essor. Le tourisme de masse est en train de laisser place à un tourisme de découverte, d’apprentissage de l’autre en mouvement.

    Poussée du collaboratif

    Le collaboratif est en forte émergence depuis plusieurs années. Les exemples les plus forts sont Airbnb et la Blablacar dans le tourisme notamment. Cette tendance est portée notamment par les millennials qui placent l’usage avant la propriété.

    Emergence d’un « tourisme volontaire »

    Nous voyons apparaître un tourisme volontaire qui implique les voyageurs dans la construction ou reconstruction des économies locales. La crise sanitaire a fait prendre conscience de la nécessité de comportements de respect envers la destination et des hôtes par des actions solidaires. Nous le voyons par l’exemple du woofing notamment.

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    Comment adapter son offre touristique à ces enjeux ?

    Construire des produits / services durables (recyclage, économies énergies, d’eau, …) :

    Prendre exemple sur l’hôtel Solar Hôtel à Paris qui a misé sur des engagements au quotidien : ampoules basses consommation, chasses d’eau et robinet à économie d’eau , récupérateurs d’eau de pluie, limitations des emballages, pas de portions individuelles, recyclages des verres, papier et plastiques, produits d’hygiène biodégradables, matériaux écologiques, petits-déjeuners bio, vélos et navettes électriques à disposition, partenariat avec l’Ecole de la deuxième chance pour l’accueil d’artistes. L’exemple du groupe ACCOR avec la création d’une nouvelle enseigne Greet, hôtellerie alternative alliant démarches environnementales et sociétales est aussi une voie à suivre.

    Indexer sur tarif sur l’empreinte carbone de ses clients

    Une solution pour entrer dans la durabilité, est de proposer à vos clients des tarifs indexés à leurs consommations énergétiques. En Norvège, un hôtels Artic Blue qui va ouvrir en 2022, proposera des tarifs différents selon que l’on aura laissé le portable à l‘accueil, planté un arbre, pris des douche à l’eau froide ou chaude,….le choix est donné à tout moment aux clients d’adapter leurs comportements.

    Stopper les politiques tarifaires agressives et investir la qualité

    Expliquer que souvent la recherche du prix le plus bas, ne fait pas sens : inverser la chaîne de valeur du tourisme : miser sur les services que les géants du web sont incapables d’apporter (se différencier) Les politiques tarifaires agressives pour augmenter les volumes, ont fait prendre conscience aux consommateurs, des vrais tarifs et fait perdre les repères à ses clients et l’empathie pour les destinations visitées. La guerre des tarifs a détruit la chaîne de valeur du tourisme. Il faut sortir de la course perpétuelle du volume : voyager moins mais de meilleure qualité.

    Redonner goût à la préparation du voyage

    Depuis plusieurs années, tout s’accélère, tout doit aller vite…y compris la préparation de son voyage. Or, la phase de préparation du voyage est nécessaire et fait s’impliquer le touriste dans son voyage bien avant son départ. Le voyage devient réfléchi, mûri et désiré.

    Utiliser la gamification pour faire découvrir des offres locales durables

    Le vecteur de la gamification peut-être un vecteur efficace pour convaincre et faire découvrir des offres locales et durables. Investissez ces champs !

    Repenser vos offres globalement en intégrant des mobilités durables et responsables

    Pensez global et intégrez à vos offres des mobilités douces et des consommations touristiques locales.

    Mesurer son impact individuel et collectif et communiquer dessus

    Offrir à vos clients une mesure d’une nuit dans votre hébergement ou de la visite de votre musée. Cela permet au plus grand nombre de quantifier et l’évaluer son empreinte carbone et pourra accélérer la prise de conscience.

    Compenser son empreinte carbone

    La compensation carbone volontaire est un marché de gré à gré qui comme son nom l’indique, est volontaire. Il existe des labels de certifications permettant de générer des crédits carbone. Pour en savoir plus www.info-compensation-carbone.com/le-guide-de-la-compensation-carbone.

    Repenser votre modèle économique en vous appuyant sur des circuits locaux en s’ancrant localement :

    Il est toujours possible de se tourner vers l’économie circulaire et imaginer des offres impliquant notamment l’économie du partage. Evidemment, le recyclage de tout objet est la voie d’un tourisme durable…n’hésitez pas à recycler vos déchets et de vous fournir auprès de recycleries ou d’associations spécialisées …

    (Re)séduire le tourisme de proximité

    Pour limiter votre empreinte carbone, le plus simple est de miser sur la clientèle locale de proximité. Cette clientèle aura une empreinte carbone plus faible.

    Proposer des offres éthiques et durables à prix réduit pour ne pas exclure les plus modestes

    Le tourisme durable est aussi un tourisme responsable socialement qui offre à chacun le droit aux vacances et aux voyages. Proposez des offres adaptées à toutes les bourses et tous les profils.

    Valoriser les entreprises qui développent la micro-aventure

    La valorisation des offres de micro-aventures est essentielle car elle permet le développement du tourisme local et la valorisation et le développement de l’économie locale

    Se former à l’économie durable et responsable

    De nombreuses formations existent en matière d’économie et de tourisme durable et responsable. Il est important de les suivre pour adapter son offre et son discours et être plus crédible face à ce nouveau public.

    Impliquer les habitants

    Le tourisme durable de demain se fera avec les habitants. Nous avons observé dans les villes dans lesquelles le surtourisme était en vigueur à Barcelone ou à Venise par exemple, l’opposition violente des habitants.

    Se faire référencer sur des plateforme tourisme durable et collaboratives

    Plusieurs plateformes proposent de référencer les offres durables. C’est notamment le cas de FlockEO, lancé par le bureau d’études Murmuration. Voici d’autres sites et plateformes dédiées : Housetrip, Likibu, Vaovert, rendezvouscheznous, u2guide, roomlala, Eatwith, Onefinestay, Homeexchange, Boodspot

    Encadrer ses démarches par des labels éthiques et durables pour crédibiliser votre engagement

    De nombreux labels durables existent. N’hésitez pas à consultez la liste Ecolabel Européen, Agir pour un tourisme durable, Gîte Panda écogîte, label tourisme et Handicap, Green globe, la clef verte,…

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    La pandémie aura au moins eu un effet positif : accélérer la prise de conscience écologique et la nécessité d’un tourisme plus responsable et durable. Cependant, le tourisme durable doit trouver l’équilibre entre contraintes, responsabilité et plaisir. Certains souhaitent réserver le voyage à des expériences rares. Le modèle de « rationalité joyeuse » ne consiste pas au renoncement au voyage mais au juste équilibre dans notre relation à la planète.

    Il convient de ne pas supprimer le tourisme, mais le responsabiliser. Il est essentiel pour l’ouverture et la découverte de l’autre car l’Homme de 2021 recherche moins dans ses pratiques touristiques, la possession et la valorisation sociale que son développement personnel et son bien-être.


    Severine Portet

    Sources :

    « L’émergence du tourisme durable » : un miracle de la pandémie ? Anne Gombault, revue Espace 360, mai-juin 2021 - « Du tourisme expérientiel au tourisme transformationnel », Séverine PORTET, Du tourisme expérientiel au tourisme transformationnel ART Grand Est (art-grandest.fr) - « Vers un tourisme de plus en plus digital et virtuel », Séverine PORTET, Vers un tourisme de plus en plus digital et virtuel ART Grand Est (art-grandest.fr) - « la petite vadrouille, cette start up qui mise sur une exploration inédite du quotidien, Etienne Veauvy, revue Espace 360, mai-juin 2021 - « On va passer de la défiance à la confiance » Jean-Pierre Nadir, Revue espaces juin 2021, hors série - « On va imaginer comment le monde de demain ? » Jean-Pïerre Nadir et Thierry Beaurepère, Revue espace juin 2021 - « On va passer d’un tourisme pollueur à un tourisme vertueux » Jean-Pïerre Nadir et Thierry Beaurepère, Revue espace juin 2021 hors-série - Quels sont les labels du tourisme durable ? - ethisme.com

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