Eclairage sur l’avenir du tourisme par Delphine Gimat

Publié le Lecture 11 min

Delphine Gimat, est une pétillante voyageuse du monde qui a exploré une grande partie de la planète en travaillant dans le tourisme pour comprendre et s’inspirer des initiatives internationales.

Elle nous éclaire sur sa vision du tourisme avec un intéressant regard extérieur à la France.

5 choses à savoir sur Delphine Gimat.

1

Elle est née et a grandi dans le sud-ouest de la France. Pendant plus de 7 ans, elle a été en immersion internationale dans les pays anglo-saxons. Aujourd’hui, elle est citoyenne du monde.

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Elle est partie en 2013 après des études dans l’aménagement paysager, commerce et tourisme pour apprendre l’anglais en immersion. Elle a fait un tour du monde en travaillant. Elle était loin de s’imaginer que cette expérience allait lui permettre d’avoir un nouveau regard sur la société.

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Elle a un parcours atypique qui lui permet de comprendre la filière dans sa globalité. C’est un vrai caméléon. Elle sait imaginer une stratégie de développement territorial mais aussi prendre une pelle et créer un chemin de randonnée.

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Elle a choisi de travailler dans divers domaines du secteur touristique à travers le monde pour comprendre et apprendre des autres territoires, s’inspirer pour tester de nouvelles approches et avancer sur son projet de recherche « Comment réduire les impacts du tourisme sur les écosystèmes et sur nos vies à grande échelle tout en gardant ses bénéfices ? ». Afin de partager ses expériences, aujourd’hui, elle supporte des entreprises en tant que consultante, aide bénévolement des jeunes à choisir leur voie professionnelle et s’expatrier et travaille en tant que community developer UK pour Visorando.

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L’important pour elle est de contribuer au bien-être des humains et apporter une forme de paix et de balance sociale, environnementale et économique par le tourisme dans le monde.

Le voyage

Il y a une différence entre voyager et faire du tourisme. Les comportements sont différents, les approches au territoire sont différentes.

Il existe plusieurs raisons de départ de chez soi. La raison officielle, « je vais me ressourcer, je vais profiter, me relaxer, voir des amis, faire des activités, avoir ce sentiment de liberté que je n’ai pas dans mon quotidien ». Et il y a aussi la raison plus officieuse souvent liée à des mal êtres plus profonds comme échapper à des situations complexes, familiales ou à des dépressions.

« Le voyage amène l’ouverture. »

Delphine Gimat

L’une des questions fondamentales est « comment ramener le voyage dans son quotidien ? » Pourquoi on a besoin de partir.

À l’époque, aux alentours du XVIIe siècle, le tourisme, le voyage, était réservé à l’élite. Ensuite, une plus large part de la population a commencé à avoir plus facilement accès au voyage grâce, entre autres, aux congés payés et aux vols à prix low-cost. Cette situation a pu amener à une consommation excessive de loisirs et de voyages au détriment de l’environnement et des habitants des destinations les plus populaires. Mais à cette époque, on n’avait aucun recul sur l’impact de ces nouvelles pratiques.

Aujourd’hui, nous l’avons. Nous avons observé certaines limites d’une consommation excessive. Les mesures de confinement mondial engendrées par la pandémie a été une expérimentation unique.

Elle a permis d’apercevoir ce qu’il peut se passer lorsque l’humain est mis en “cage” et quand la nature reprend naturellement le dessus, comme un rôle inversé.

Cela a permis d’imaginer, de se projeter sur de nouveaux comportements qui pourraient s’avérer être plus adaptés dans les années à venir. Pour les générations les plus jeunes, la base de la pyramide de Maslow (nourriture, argent, sécurité par exemple) est remplie. C’est pourquoi, nous avons plus de temps à penser à la réalisation de soi.

La France en particulier, apporte une large sécurisation (sécurité sociale, aides gouvernementales, …).

La crise sanitaire nous a aussi permis de voir que les nouvelles technologies permettent de travailler à distance, de télétravailler, ce qui questionne de plus en plus sur la place du travail dans notre quotidien, dans notre vie. Elle a mis en lumière un paradoxe concernant l’avenir du tourisme, sur la place du travail et des loisirs.

Des exemples à l’international pour faire progresser le tourisme français

Le tourisme régénératif en Nouvelle-Zélande, en Islande ou en Australie

Les pays nordiques ou anglo-saxons sont beaucoup plus avancés que nous en matière de développement durable en général et dans le tourisme en particulier. Par exemple, en Nouvelle-Zélande, les kiwis sont avant-gardistes sur leur façon de penser le tourisme.

Comme les Australiens, ils parlent de tourisme régénératif. Ce pays anciennement colonisé par les anglais est inspirant à diverses échelles. Entre autre, ils ont fait l’effort de reconnaître l’impact de la colonisation sur les populations Maoris. Via le tourisme, ensemble, ils ont travaillé pour créer divers projets tels que la Tiaki promise.

La Tiaki promise est une charte créée pour sensibiliser les visiteurs, les invitant à respecter leur île comme ils le font eux-même. Cet acte symbolique annonce aux visiteurs qu’ils seront accueillis avec grand plaisir sei en contre-partie ils s’engagent à respecter leur île et ses habitants en adorant des comportements adaptés. Elle indique une prise de conscience par les populations locales de la valeur de leur environnement, de leur culture et des limites du tourisme (qui est est des piliers économiques majeurs de ce pays).

Pourquoi cela marche là-bas ?

« C’est important de changer les mentalités tout en gardant son identité. »

Delphine Gimat

Le Canada, exemple de l’expérience client, de la gestion des flux et la formation des acteurs du tourisme

Au Canada, ils sont avancés sur l’expérience du visiteur dans sa globalité.

« Au Canada, l’expérience visiteur commence quand la personne planifie son voyage, jusqu’au moment où elle rentre chez elle et on l’assiste tout au long de son expérience pour lui donner envie de revenir. »

Delphine Gimat

C’est vraiment tout un univers.

Dans certains lieux comme Banff – Lake Louise, il y a aussi des soucis de gestion de flux avec des lieux qui ont dépassé leur capacité de résilience environnementale. Victime de leur succès, les acteurs locaux ont mis en place plusieurs outils influant la gestion des flux comme des systèmes de transports et d’accueil.

Dans l’éducation, la formation des acteurs du tourisme se déroule à l’échelle de la destination. Cela peut être à toute échelle; serveur, billettiste, chauffeur de bus,… Tous les acteurs sont formés. Ils ont mis en place un programme d’ambassadeurs. Chaque personne, chaque saisonnier se doit de participer à cette formation. Le but est de maximiser l’expérience du visiteur.

La formation explique l’importance de leur rôle, les invitant à devenir des ambassadeurs de leur territoire et essayer d’influencer, d’éduquer les autres. Ils deviennent l’exemple et portent la parole.

L’ Angleterre, exemple d’entre aide des secteurs public et privé

En Angleterre, certains territoires ont opté pour la création de cluster, un réseau de professionnels réunissant des acteurs publics et privés comme dans la destination “Chilterns” avec le Chilterns Tourism Network. Ils travaillent tous ensemble depuis des années.
L’idée est d’organiser des moments et espaces d’échange où ils s’entraident et essaient de mettre en place des actions communes.

En Europe, apparaissent de plus en plus de réseaux et de clusters avec des partenariats public-privé et des projets collaboratifs qui se mettent en place.

Changer de comportement, de modèle, bousculer les habitudes

Le changement de comportement se fait avant tout par une réalisation et transformation personnelle. Certains essaient d’aller vers le slow tourisme, le tourisme alternatif de proximité. Il faut bousculer les gouvernances, les dynamiques d’acteurs pour se concentrer sur les enjeux fondamentaux.

Les notions et définitions du tourisme et voyages divergent selon les niveaux, local, national, international. Même s’il existe toujours des querelles de clochers. On voit le collaboratif et le participatif monter en puissance.

« Il faut travailler ensemble et abolir les frontières administratives. »

C’est ce que fait l’équipe à Visorando. Visorando est un projet collaboratif, participatif qui s’affranchit de la notion de zone géographique. C’est vraiment sur une communauté qui a été créé par et pour des randonneurs passionnés. Les offices de tourisme commencent à se rendre compte de la puissance de tels outils.

Approche marketing du développement territorial

L’approche marketing du développement territorial est à revoir, la communication par exemple, amène sûrement à une certaine surconsommation des territoires. Il est important d’inclure dans le process de mise en tourisme, la population locale. Si l’on satisfait la population locale, on attire naturellement les clients.

Les retours visiteurs, les avis clients sont très importants et intéressants. On pense notamment aussi à la puissance des influenceurs. Il faudrait accompagner le visiteur et notamment sa prise de conscience dans l’expérience du visiteur lors de son retour dans son quotidien et l’accompagner dans les transitions. Cela permettrait de fidéliser, donner envie à la personne de revenir mais aussi d’améliorer sa vie au quotidien ? Dans ce système, consommation ou relation seraient couplées.

« Le défi primordial est de minimiser les écarts entre ce qui est dit, la promotion et la réalité. La transparence, l’honnêteté, est tout ce qu’on recherche dans une relation humaine normale. »

Delphine Gimat

Le système éducatif, même au niveau international, n’apprend pas forcément ce qu’est le tourisme responsable et durable voire même le tourisme régénératif.

L’importance de l’accueil et de l’hospitalité

On peut tous agir à notre niveau. A l’accueil d’un office de tourisme par exemple, on peut rendre le sourire à des gens qui sont empêchés par des incendies d’aller visiter le lieu touristique qu’ils avaient prévu, en leur donnant la meilleure expérience, juste en 10 minutes. Et cet échange de 10 minutes, ils s’en rappelleront peut-être et cela leur fera la réussite leurs vacances.

« L’accueil, l’hospitalité, la vision positive, l’empathie semblent essentielles dans la relation au touriste. »

Delphine Gimat

En Australie par exemple, dans une formation Start-up à Insight Academy, à Melbourne, vous apprenez à devenir un leader qui manage en donnant l’exemple “Lead by example ». La première chose qu’ils demandent c’est de se connaître sois-même. L’idée est de connaître ses forces et ses faiblesses, connaître les différents types de caractères dans l’objectif de pouvoir mieux les gérer et ensuite appréhender celles d’une équipe.

Ce type d’apprentissage met en place des dynamiques basées sur un retour construit, régulier et l’intelligence émotionnelle. Ce qui change tout dans la relation aux autres. Les offices de tourisme pourraient devenir des coachs de voyage.

La précarité des métiers du tourisme.

La crise a révélé l’instabilité et la précarité de certains métiers du tourisme. De nombreuses reconversions professionnelles se sont d’ailleurs opérées à la suite de la crise sanitaire.

L’instabilité des emplois saisonniers fait que de nombreux jeunes essaient de se reconvertir. Certains postes comme dans la restauration, l’hôtellerie, des métiers qui ne sont pas faciles, s’avèrent peu reconnus et pénibles. Il serait important de revoir les conditions de travail et redonner envie aux gens de faire ce type de métier.

« Il faut réenchanter les métiers du tourisme en redonnant du sens, de la valeur en expliquant pourquoi ils sont importants. Il ne s’agit pas simplement de servir quelqu’un. »

Delphine Gimat

Le tourisme, un concept global

Dans le futur, avec les conséquences environnementales et la mise en place de restrictions drastiques d’accès pour gérer la question des flux, nous pourrions revoir émerger un tourisme d’élites.

On voit déjà ces phénomènes se mettre en place. L’exemple des Calanques à Marseille en est le premier. En Nouvelle-Zélande et Australie, ils le font depuis longtemps. Par exemple, pour faire certain treks come le Milford Sound Track, il faut réserver des fois un an à l’avance sa place. Certes, cela crée du désir et donne plus de valeurs aux séjours, à l’expérience mais qu’elle en est la limite?

Le tourisme est un écosystème dynamique qui englobe plusieurs secteurs d’activité pour vraiment structurer une offre, il est important de prendre en compte tous les maillons comme le transport, comme les médecins, les commerces….

« Le tourisme est un concept global qui englobe beaucoup de secteurs. Il faut réfléchir global. »

Le tourisme en 2030

« C’est toujours bien d’avoir un objectif et d’ajuster le chemin. »

Il faut observer les dynamiques qui se créent dans les concertations, l’entraide. Dans l’avenir, les plus riches auront toujours l’ambition d’aller faire du tourisme sur la Lune et de conquérir d’autres écosystèmes, d’autres planètes, de vivre l’extraordinaire et l’unique dans le luxe. D’autres resteront défaitistes et continueront à consommer, à rester dans leur zone de confort, donc avec les oeillères de l’individualisme en se disant “à quoi bon et continuer vraiment dans un tourisme de masse et de consommation des ressources, vu que nous n’avons pas de futur”.

D’autres sauront ramener le bien-être et le voyage dans leur quotidien en alliant travail, plaisir en revenant à l’essentiel avec des modes de vie plus minimalistes. Ils décideront de rester autour de chez soi et pourquoi pas même imaginer des expériences virtuelles sensorielles. D’autres voyageront pour faire des rencontres de personnes qui font partie d’une même tribu, c’est à dire qui a une manière de penser. Ce besoin d’appartenance monte. Avec les nouvelles technologies, les frontières internationales n’existent plus. Mais, l’homme est un animal social. On ne peut vivre seul. La crise sanitaire, l’isolation, nous l’a encore montré avec la forte croissance des problèmes de santé mentale. Les liens sont essentiels. Nous avons besoin de participer à des événements ou des projets communautaires, réseautage, des échanges, de l’entraide.

« Les nouvelles technologies favorisent les échanges. La vraie connexion commence quand il y a la rencontre. »

Delphine Gimat

Le tourisme médical

Le tourisme médical et de bien-être physique et mental va vraiment se développer en parallèle de l’émergence de nouvelles maladies physiques et mentales avec la population vieillissante et le développement de nouvelles biotechnologies.

La population la plus âgée a besoin d’avoir sur son lieu de vacances des hôpitaux, des lieux de soin. Ce type de tourisme va vraiment se développer.

« J’espère que nous aurons l’ouverture d’esprit en France de prescrire la nature et les sports de nature comme moyen de prévention et de guérison de certains maux, comme cela se fait dans plusieurs pays aujourd’hui. »

Delphine Gimat

Développement des visas vacances – travail

Avec les coûts de l’énergie, le voyage de proximité va se développer. Les visas vacances-travail aussi risquent de se développer. « Je n’ai pas les moyens financiers d’aller loin mais peut-être que j’ai les moyens d’aller travailler dans un territoire ou dans un autre pays pour contribuer dans le territoire d’accueil afin de les comprendre, apprendre et échanger. ». Cela ressemble, à la tradition des pays anglo-saxons et nordiques, le “Gap year”, la parenthèse utile, cette année que l’on prend soit avant de travailler, soit avant les grandes études.

Les visas vacances-travail (PVT) par exemple sont en explosion ainsi que les échanges européens. Les jeunes partent de plus en plus loin mais restent longtemps en travaillant pour compenser leur impact carbone et un porte monnaie frileux. Pourquoi ne pas travailler à cela pour la Région Grand Est. Cela pourrait influencer / attirer les jeunes et jouer sur l’attractivité globale. Ce serait bénéfique pour le territoire et pour les jeunes.

Vers un tourisme minimaliste

Il y a aussi le développement du tourisme de la débrouille, qui allient slow tourisme, seconde main, nuitée en tente, en somme devenir minimaliste. Cela se développe pour des raisons économiques mais aussi pour des raisons de conscience écologique.

Interview réalisée en avril 2023 par Séverine PORTET dans le cadre de la démarche Tendances et Prospective

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