Dans ce nouvel épisode, nous accueillons Candice Genton, fondatrice de Savoir d’ici. Grâce à son expertise, découvrez comment transformer les visites d’entreprise en une véritable offre touristique durable : structurer une expérience pérenne, valoriser son savoir-faire, sécuriser le parcours visiteur et créer des moments uniques qui fidélisent le public.
Caroline : Et si votre savoir-faire devenait une véritable expérience touristique ? Les visites d’entreprise, ce n’est pas juste ouvrir les portes de son atelier ou de son usine. C’est une opportunité unique de partager une passion, de faire rayonner son savoir-faire et même de booster ses ventes. Mais concrètement, comment structurer une offre de visites pérennes ? Quels sont les bénéfices réels pour une entreprise et surtout par où commencer ? Pour nous en parler, nous avons le plaisir d’accueillir Candice Genton, fondatrice de Savoir d’ici, qui propose des solutions d’accompagnement pour valoriser le savoir-faire des artisans et industriels français. Elle va nous expliquer comment pérenniser ces visites en proposant une offre évolutive qui s’adapte aux attentes du public, tout en mettant en avant l’excellence artisanale. Candice, bonjour !
Candice : Bonjour.
Caroline : Alors, qu’est-ce que c’est qu’une visite d’entreprise ? Et surtout, quelle est la différence entre une visite d’entreprise occasionnelle et une visite d’entreprise pérenne ?
Candice : Alors, une visite d’entreprise, c’est le fait de montrer son entreprise en activité. Donc, par exemple, pour des artisans ou des industriels, c’est montrer le processus de fabrication, valoriser son savoir-faire à un public cible. Donc, ça va être une confiserie qui va ouvrir pour montrer comment on fabrique un bonbon, par exemple. Ou ça peut être un coutelier ou un fabricant de chaussures. C’est vraiment tous types d’activités.
Caroline : D’accord, et ça, effectivement, on peut ouvrir une fois de temps en temps. C’est occasionnel.
Candice : Exactement, on peut soit ouvrir de manière occasionnelle, effectivement, par exemple en s’appuyant sur des événements nationaux comme les Journées du patrimoine, les Journées européennes des métiers d’art ou la Semaine de l’Industrie. Et après, dans un autre cas, on va avoir les visites pérennes. Donc là, ça va être un choix stratégique de l’entreprise de décider de mettre en place une nouvelle activité : la visite d’entreprise.
Caroline : Donc, c’est une activité à part entière. On fait ça sur toute l’année. Et est-ce que ça nécessite une organisation spécifique, justement, par rapport à ces visites d’entreprises occasionnelles ?
Candice : Oui, bien sûr, parce que, comme je l’ai dit, c’est une nouvelle activité pour l’entreprise. Et donc, il va falloir s’organiser autour de ça, notamment en dédiant une équipe qui va s’occuper de ces visites. Les ateliers de production seront également au courant pour qu’on n’ait pas des bêtes de foire, mais qu’on puisse vraiment valoriser le travail des collaborateurs. Ça va être une nouvelle source de revenus, notamment pour l’entreprise. C’est là où l’entreprise va vraiment se poser la question : à quel objectif stratégique cette nouvelle activité va-t-elle répondre ?
Caroline : Vous venez de parler de source de revenus. Ça peut représenter quoi dans l’activité de l’entreprise en termes de pourcentage, par exemple ? En général, c’est combien ?
Candice : Ça peut être 5 à 10 % du chiffre d’affaires global. Du coup, il va y avoir deux types de sources de revenus : il va y avoir le prix de la visite, mais également… les ventes en boutique, parce que très souvent, on finit la visite d’entreprise par la boutique, et du coup, ça permet également de booster les ventes de cette boutique.
Caroline : Comment ça marche, justement, pour booster les ventes ?
Candice : Au niveau des ventes, le prix moyen d’une visite en France aujourd’hui est de 9,50 €, mais le prix de la visite va vraiment dépendre de vos objectifs. Et typiquement, lorsqu’on va visiter une confiserie, on peut mettre une visite pas chère, parce qu’on sait que potentiellement les gens vont pouvoir acheter dans la boutique, parce que c’est assez accessible. Alors que si on va visiter un joaillier, par exemple, on ne va pas forcément acheter à la fin parce que les prix sont assez onéreux. On va valoriser le prix de la visite, parce qu’il va falloir quand même rentabiliser cette action.
Caroline : D’accord. Alors, quels sont les autres avantages principaux de pérenniser les visites d’entreprise ?
Candice : Le deuxième objectif, c’est vraiment de pouvoir développer la notoriété d’une entreprise, notamment sur son territoire. C’est de permettre finalement aux habitants qui passent tous les jours devant votre bâtiment de découvrir ce qui se passe à l’intérieur. Mais ça peut être aussi les touristes potentiels qui rayonnent dans le territoire, qui vont pouvoir venir visiter votre entreprise et découvrir un savoir-faire français.
Caroline : D’accord. Et encore peut-être un troisième avantage, un troisième objectif ?
Candice : L’un des objectifs qui devient de plus en plus important pour les entreprises, ça va être ce que j’appelle la marque employeur ou le recrutement. Donc, ça va être de valoriser vraiment le métier de vos collaborateurs pour susciter de nouvelles vocations et pour potentiellement recruter vos futurs talents.
Caroline : Alors, il y a plusieurs choses à mettre en place, évidemment, pour pérenniser ces visites. La première, ce serait quoi ?
Candice : Une entreprise qui décide d’ouvrir au public va changer un petit peu de casquette. Ces entreprises, aujourd’hui, produisent, donc elles ont une activité principalement commerciale. Et là, elles vont devoir devenir des acteurs du tourisme. La première chose à faire, c’est vraiment de développer son réseau, de contacter les offices du tourisme qui vont être à côté de chez vous. Ça passe par contacter d’autres acteurs touristiques. Donc, ça va être… soit d’autres visites d’entreprises du coin, mais aussi les hôtels et restaurants qui peuvent faire la promotion de votre activité. Mais ça peut être aussi tout ce qui est tourisme de groupe, autocaristes du coin, etc. Par exemple, si des visiteurs vont découvrir un fabricant de chaussures le matin, potentiellement ils voudront aller découvrir une confiserie l’après-midi, car ils auront une sensibilité à justement découvrir des savoir-faire français.
Caroline : D’accord. Et alors, c’est moi qui suis chef d’entreprise qui vais proposer, animer ces visites, comment ça marche ?
Candice : Généralement, avant de vous lancer dans le projet, une fois que vous vous êtes posé les questions sur vos objectifs avec ce projet, la seconde chose, c’est déjà de sensibiliser l’ensemble de vos collaborateurs, pour qu’ils ne soient pas des bêtes de foire, comme on dit, mais qu’ils soient vraiment acteurs de ce nouveau projet, puisque ça concerne un petit peu tout le monde. Et vous êtes chef d’entreprise, donc du coup, ce n’est pas à vous de faire les visites. Certes, vous allez accompagner et aider les premiers guides qui vont être responsables dans votre entreprise. Par la suite, il faudra vraiment que quelqu’un soit formé pour pouvoir le faire. Car cette personne sera le guide, mais sera aussi la personne qui va animer, développer votre offre de visite d’entreprise et qui va finalement la faire vivre pour que vous soyez rentable sur l’opération.
Caroline : Donc, concrètement, à qui je m’adresse dans mon équipe pour faire ça ?
Candice : C’est soit la personne responsable de la boutique d’usine, parce que du coup, ça va lui permettre de booster son chiffre d’affaires, mais ça peut aussi être les équipes marketing-communication, qui sont un petit peu la voix des entreprises. Si vous n’avez pas ce type de personne dans votre entreprise, vous avez aussi le choix de potentiellement demander à un ancien collaborateur à la retraite, qui voudrait potentiellement compléter sa retraite ou partir de manière plus progressive et qui est la personne la plus adaptée, en tout cas, pour mettre en avant votre savoir-faire.
Caroline : D’accord. Et alors, on s’y prend quand même un peu en avance. Ça se prépare, j’imagine. Ce serait un piège de lancer quelqu’un sans l’avoir préparé. Et puis, ce serait un piège aussi de s’imaginer qu’il y a juste besoin de raconter ce qui est fait et la fabrication.
Candice : Avant de se lancer dans le projet de visite d’entreprise, il va vraiment falloir aider le guide à travailler sur son discours, parce que les visiteurs qui vont venir découvrir votre savoir-faire ne vont pas forcément connaître le domaine de la fabrication, qu’elle soit artisanale ou industrielle, et donc, du coup, il faut les aider à comprendre, finalement, votre jargon. Donc, pour ça, on travaille, un, sur le discours ; deux, on va travailler sur l’expérience de la visite, et pour ça, on va venir utiliser un peu tous les sens. Donc, ils vont déjà avoir la vue, avec vos collaborateurs qui seront en train de travailler, mais on va aussi les aider avec des panneaux scénographiques qui vont, par exemple, afficher des chiffres clés, le nombre d’opérations, par exemple, que vous avez pour fabriquer une chaussure ou pour fabriquer un bonbon.
Caroline : D’accord, il faut mettre en scène un petit peu, j’imagine.
Candice : Complètement, il faut complètement mettre en scène ; c’est comme quand on va à Disney, finalement il faut un petit peu vendre du rêve. Mais globalement, c’est un petit peu ça.
Caroline : Est-ce que vous pouvez me donner un exemple de façon de théâtraliser comme ça une visite ?
Candice : Par exemple, si vous prenez une coutellerie, il y a des étapes de fabrication que vous n’allez pas forcément pouvoir montrer à vos visiteurs. Donc, il y aura des aménagements à faire, notamment la phase de polissage, qui fait beaucoup de poussière, par exemple. Il faut intégrer une vitre pour que vos visiteurs ne soient pas déjà poussiéreux à la fin de la visite, mais qu’ils aient quand même un aperçu vraiment de votre fabrication. Et notamment, il y a effectivement des fois le secret industriel ou des étapes qui ne sont pas visibles dans votre atelier, parce que le processus se passe dans une machine ou autre. Et là, il ne faut pas hésiter à utiliser des vidéos pour pouvoir projeter un maximum les visiteurs dans l’expérience et pour qu’ils puissent vraiment comprendre l’ensemble de ces éléments. Vous pouvez également intégrer vos valeurs, notamment vos valeurs RSE : comment vous fabriquez de manière durable ? C’est une question très importante, parce que beaucoup de personnes ont une image négative des personnes qui fabriquent. Si les visiteurs voient, par exemple, des chutes de matière — vous avez des chutes de bois et vous les utilisez pour chauffer votre atelier — eh bien, ce sont des informations qui vont intéresser, finalement, les visiteurs, parce qu’ils vont se dire que vous vous engagez à produire, mais à produire de manière durable et respectueuse de l’environnement.
Caroline : Et ce qui est important aussi, c’est quand même que les machines tournent. C’est-à-dire que les gens ont besoin de voir comment on fait. Si on organise, par exemple, une visite le samedi ?
Candice : Alors, c’est une vraie question, parce qu’on se dit : si on se lance dans le tourisme, il faut absolument ouvrir le week-end. Si c’est le cas, il y a plusieurs manières de procéder. La première, c’est que vous pouvez aider les visiteurs à voir le fonctionnement de vos machines quand elles ne sont pas en route à travers des vidéos. Mais il y a aussi d’autres outils, comme, par exemple, la réalité augmentée aujourd’hui, qui peuvent venir vous aider. Par contre, les gens viennent aussi pour pouvoir potentiellement échanger avec vos collaborateurs, voir de la vie. Donc, montrer un atelier qui ne fonctionne pas, ce n’est pas forcément la bonne solution. Les visites le samedi peuvent être plutôt programmées de manière événementielle ou de manière ponctuelle.
Caroline : Mais du coup, ça soulève quand même un peu des questions de sécurité. Comment on gère ça ?
Candice : Alors, au niveau de la sécurité, c’est un grand sujet. Il faut effectivement déjà identifier potentiellement les machines qui vont être dangereuses et adapter vraiment votre parcours de visite en fonction de ça. Parce qu’effectivement, si vous décidez d’accueillir tout type de visiteur, et notamment des enfants, il faut faire vraiment attention à ces éléments-là. Donc, c’est vraiment une réflexion à avoir en amont de votre projet pour pouvoir faire les adaptations et connaître aussi les investissements qu’il y aura en face.
Caroline : L’idée, puisqu’on parle de visites pérennes, c’est aussi de donner envie aux gens de revenir, donc de fidéliser. Comment on peut fidéliser ?
Candice : Donc, il y a plusieurs techniques. Il faut penser aux offres complémentaires — moi, j’appelle ça comme ça. C’est finalement toutes les offres qui vont venir faire un petit peu d’événementiel et d’évolution dans vos offres de visite. Donc, par exemple, ça peut être des visites thématiques. Si vous allez visiter une fabrique de madeleines, potentiellement il pourrait y avoir un conférencier qui vient vous expliquer l’histoire de la madeleine en France. Et du coup, ça vous permet de pouvoir proposer une visite de deux heures au lieu d’une heure et de pouvoir également augmenter le prix moyen de cette visite. Il y a aussi des ateliers de personnalisation ; ça marche beaucoup pour les petites structures. Ce sont des ateliers qui vont permettre finalement à vos visiteurs de venir personnaliser l’un des produits que vous fabriquez. Donc, ils vont également être un petit peu dans le do it yourself, ils vont se mettre un petit peu à la place de vos collaborateurs, et ils vont repartir avec un produit complètement personnalisé. Ça, ça vous permet notamment aussi de pouvoir augmenter, finalement, votre offre de visite, parce que vous allez inclure le prix d’un objet que vous fabriquez, le temps de personnalisation et le temps de la visite.
Caroline : Et alors, vous l’avez dit, un des objectifs principaux, c’est de booster ses ventes. Alors on a donné l’exemple de la confiserie : donc on produit des bonbons, on va les vendre dans la boutique à la fin. Comment on fait si on n’a pas de boutique ?
Candice : Alors, quand on n’a pas de boutique, ce qui est recommandé, c’est, par exemple, de mettre en place un showroom. Si, par exemple, vous êtes une entreprise qui fabrique vraiment sous-traitance pour l’aéronautique, mais que vous avez vraiment un objectif de recrutement, vous pouvez mettre un showroom qui va expliquer les métiers. Si, au contraire, vous étiez une entreprise qui fabriquait des planches à découper — mais haut de gamme — ou des meubles ou des cuisines haut de gamme, les gens ne vont pas forcément acheter une cuisine à la fin de la visite. Donc là, on vous préconise vraiment de pouvoir faire un showroom qui va montrer tout le savoir-faire que vous pouvez proposer ; et, du coup, le jour où ces visiteurs auront besoin de refaire une cuisine, par exemple, ils pourront faire appel à vous. Que vous ayez un showroom ou une boutique, vous pouvez proposer une offre commerciale à la fin pour remercier, finalement, vos visiteurs. Donc, ça peut être… si vous avez une boutique, généralement c’est le prix de la visite qui est remboursé s’il y a un achat de, je ne sais pas, par exemple 30 € dans la boutique. Mais ça peut aussi être un bon de réduction — moins 10 %, par exemple — sur l’ensemble des articles de la boutique. Et s’ils n’ont pas consommé tout de suite, là, vous pouvez leur donner un code qui leur permettra de pouvoir commander après la visite. Ça permet vraiment de fidéliser, finalement, la clientèle.
Caroline : D’accord. Merci Candice. Alors, je retiens les bonnes pratiques.
Un : avant de me lancer, je prends le temps de bien développer ce nouveau réseau touristique.
Deux : je désigne un responsable ou une responsable, une personne de l’équipe qui connaît bien l’entreprise et qui s’occupe d’organiser et d’animer les visites, mais je fais attention à impliquer toute mon équipe. Une visite réussie, c’est avant tout une équipe qui adhère au projet.
Trois : si l’objectif de la visite d’entreprise, c’est la vente, je trouve l’offre ou l’astuce pour convertir les clients.
Et quatre : je pense à faire évoluer mes visites d’entreprise ; ça ne doit pas être figé. Donc, pour garder l’intérêt du public, il faut renouveler l’expérience. L’objectif, c’est de proposer une variété d’offres pour fidéliser.
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Voix Off : « C'était Adopter les bonnes pratiques, un podcast de l'Agence régionale du tourisme Grand Est. Rendez-vous dans 15 jours pour un nouvel épisode ! »
Un podcast de l’Agence Régionale de Tourisme du Grand Est, produit avec
Journaliste, Studio Ohz
Fondatrice de Savoir d’ici
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